L'exode de 1940, de mémère Alice.

Un exode des populations belges et des régions du Nord de la France fuyant l'avancée de l'armée allemande se produisit en août 1914. Ce déplacement de plusieurs centaines de milliers
de personnes ne porta cependant que sur une minorité de la population contrairement à celui de 1940 qui vida la plupart des villes du Nord. Cette fuite se déroula dans la précipitation
et dans des conditions comparables à celles de l'exode de 1940, files de civils désemparés sur les routes à pied avec des charrettes attelées ou poussées à la main, mêlées aux troupes
militaires. L'ampleur de l'exode de 1940 est, en grande partie, dû au souvenir douloureux de l'occupation des régions envahies par l'Allemagne de 1914 à 1918. Ainsi, des maires restés à leur poste en 1914 s'enfuirent en 1940, comme Jean-Baptiste Lebas, maire de Roubaix, qui fut un résistant durant ces deux guerres.

Départs

En quelques semaines, de huit à dix millions de personnes s'enfuient de Belgique, des régions du Nord puis de l'Île-de-France et du Centre vers le Sud de la France, emportant avec
elles de maigres bagages. Ce fait eut lieu dès l'invasion de la Belgique en mai 1940 mais a été précédé, dès l'automne 1939, de l'évacuation de civils de l'Est de la France. De la
Belgique, puis du Nord ou du Pas-de-Calais, de nombreux civils fuient d'abord vers Paris puis vers le Sud-Ouest du pays.

Cet exode jette sur les routes des familles belges, néerlandaises et luxembourgeoises (deux millions de personnes) et françaises (deux millions de personnes également) dès mai
1940, dans un chaos hétéroclite de piétons et de véhicules de toutes sortes, gênant le déplacement des troupes alliées. Un grand nombre de réfugiés subirent le feu des bombardiers
en piqué des Junkers Ju 87 et se heurtèrent, à partir du 20 mai à la tenaille de l'armée allemande dans sa marche à la mer, qui leur coupait l'accès au sud du pays. En juin, lorsque les
troupes allemandes s'approchèrent de Paris (14 juin 1940 : début de l'occupation de Paris), les populations d'Île-de-France s'enfuirent à leur tour (2 millions de Parisiens, soit 2/3 de la
population parisienne intra-muros). Des bagarres eurent lieu pour pouvoir prendre les trains (trains d'abord de voyageurs puis devant l'afflux, réquisition de trains de bestiaux. Les
villes de la région parisienne et du centre se vident également de leurs habitants. Ainsi Chartres où le préfet Jean Moulin estime la population restée sur place le 15 juin à 700 ou 800,
la plupart âgée, sur 23000 habitants, dans une ville envahie par les réfugiés, privée d'eau et de tout service administratif. Au total, de huit à dix millions de personnes s'exilèrent, soit
près d’1/4 de la population française de l'époque. Le gouvernement français (gouvernement Paul Reynaud) s'était enfui de Paris dès le 11 juin 1940 pour gagner Bordeaux le 14 juin 1940.

Photo du web

 

L'exode de 1940, de mémère Alice...

Partie de Cervisy (Stenay) le 14 mai 1940 à bord d'un chariot tiré par deux chevaux de trait, c'est en direction du sud-ouest, qu'Alice et ses deux enfants, (son mari ayant été fait prisonnier) accompagnée de deux couples de la famille et leurs enfants se sont engouffrés dans ce flux de réfugiés fuyant l'envahisseur.

Alice a fait la totalité du parcours en marchant à l'arrière du chariot, veillant à la mécanique, qui consistait à actionner la manivelle du frein dans les descentes.


Photos du web

Après avoir traversé la Marne, la Haute-Marne, l'Aube, la Côte-d'Or, l'Yonne, la Nièvre, le Cher, l'Indre, la Creuse, la Haute Vienne, la Charente, avec des repos nocturnes, très souvent dans des fermes. C'est à Bougneau-les-Robelines en Charente inférieure qu'ils posèrent le 18 juin 1940, le peu d'effets qu'ils avaient emportés. Un périple de 785 km en un peu plus d'un mois. Un accueil chaleureux leur fut réservé, leur apportant réconfort et sécurité.

Retours

Les premiers retours des habitants du Nord de la France eurent lieu dès début juin 1940, le reflux de ceux ayant choisi de revenir croisant la deuxième vague de fuyards.

Dès juillet 1940, les Alsaciens et Mosellans sont encouragés à rentrer par les nazis (excepté les communistes, les francs-maçons, les juifs, les sympathisants de la France et les
étrangers non Alsaciens-Mosellans) dans une Alsace-Moselle annexée de facto au troisième Reich où ils deviennent citoyens allemands.

Le gouvernement de Vichy établit en juillet un plan de rapatriement (itinéraires, ravitaillement, gîtes d'étape, parkings tous les 50 kilomètres et des bons d'essence avec une date limite
de validité pour accélérer le retour). Cette opération nécessitant la mise à disposition de transports notamment ferroviaire désorganisés par les destructions d'ouvrages d'art bombardés
est, de plus, entravée par les lignes de démarcation, l'une prévue dans le traité d'armistice du 22 juin 1940 entre la zone non occupée (sud) et la zone occupée (régions du centre et
région parisienne), une deuxième, imposée par les Allemands non précisée dans la convention d'armistice, la ligne Nord-Est entre la zone occupée et les zones interdite (départements
du Nord et du Pas-de-Calais attachés au gouvernement militaire de Bruxelles) et réservée (régions du Nord-Est).

Le 28 juillet les autorités allemandes interdisent provisoirement le passage vers la zone occupée et fixent le 1er août 1940 l'organisation de l'exode à rebours par une réglementation
consignée dans un livret Lignes de démarcation et dispositions générales comprenant des cartes et classant les réfugiés en plusieurs catégories. Les retours dans la zone occupée
sont autorisés à l'exception des communistes, des francs-maçons, « des Alsaciens et des Lorrains qui ne sont pas de race allemande », les militaires des armées belge et française et
des étrangers. En sont exclus également les troupes coloniales. Le passage des juifs munis de papiers en règle est autorisé mais certains postes allemands les refoulent. Les réfugiés
à pied et à bicyclette doivent être porteurs d'une carte d'identité, ceux revenant par les transports ferroviaire et automobile doivent être munis d'un certificat de rapatriement délivré par
le maire de la commune de repli. Les retours sont laborieux. On estime que 1 600 000 sont rapatriés au 28 août. Les Allemands avaient fixé la limite des rapatriements à la fin septembre.

... L'exode de 1940, de mémère Alice.

Après 15 jours passés au hameau les Robelines, Alice et les siens entamèrent le trajet du retour. Bloqués au niveau de Potengis (traversée de la Loire) durant 22 jours dans l'attente d'un laisser passer, le trajet du retour s'avéra plus étalé dans le temps. Ce n'est que cinquante jours plus tard (le 21 août), après 830 km de remontée vers l'Est de la France, qu'ils apercevaient les côtes de Meuse.

De retour à la ferme, les chevaux furent réquisitionnés et un travail considérable de remise en état de la propriété et des champs, les attendaient.

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