La captivité de Roger Holdrinet en 1940, racontée par son fils Alain

Ancienne famille stenaisienne, la famille Holdrinet a résidé à Stenay de 1954 à 1975,

Roger était chef de la lyre stenaisienne.

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Captivité de Roger Holdrinet au stalag IX A de Ziegenhain en Allemagne

Roger Holdrinet est militaire de carrière (musicien) à la déclaration de la guerre. Engagé volontaire au 91° RI de Mézières (Ardennes) le 8/1/1931, puis différents régiments : 149°RI et 128° RI de Longuyon (54). Il est sergent-chef lorsqu’il est fait prisonnier à Toul (54) le 23/6/1940.

Sa captivité se passe au stalag IX A de Ziegenhain (Hesse) – matricule 52 300

Il sera libéré le 13/04/1945 – rapatriement par un avion américain qui avait décollé de Giessen – et sera resté 1755 jours en Allemagne.

A son retour en France il n’aime pas trop parler de cette période. Pendant de longues années encore il subit la nuit de terribles cauchemars et qui sont encore plus violents s’il regarde la veille une émission télévisée sur la guerre ou bien sur des stalags.

Par contre il est retourné sur ces lieux vers 1960. Je l’accompagnais et je me souviens encore très bien de cette grande émotion qui l’avait envahie. Des baraques existaient encore, elles étaient occupées par de modestes familles allemandes. Ce qui m’avait frappé avant tout c’est le chaleureux accueil qui lui avait été réservé. Les gens étaient d’une extrême gentillesse et voulaient savoir ce qui s’était passé ici. Malheureusement il ne parlait pour ainsi dire pas l’allemand, il avait toujours refusé de l’apprendre lorsqu’il était prisonnier et mon allemand scolaire, à cette époque, était assez limité. Je devais alors  être en 6° ou 5° ? Mais le moment le plus intense fut la visite du cimetière, le portique d’entrée était toujours le même … et nous y sommes restés de très très longues heures. Je le vois encore déambuler dans les allées, lisant toutes les plaques des croix et épiant tout indice qui aurait pu lui rappeler des souvenirs.

Dans ce camp il y serait peut-être resté environ 3 ans avant d’être transféré vers la ville de Kassel. Là il fut affecté à 2 endroits – un qu’il appelait Komando (?) mais que faisait-il je ne m’en souviens plus. Nous sommes également repassés à cet endroit mais il a été très difficile de se repérer, tout était en reconstruction car la ville avait été lourdement bombardée – par contre du 2ème endroit je peux longuement en parler :

Il s’agit du Gärtnerei (jardinerie) Viehmann dans le quartier de Kassel-Niederzwehren – Strasse (rue) Korbacher et dans cette jardinerie on cultivait des fleurs, des légumes, etc… Elle était dirigée par la grand’mère Viehmann (le mari étant décédé à la guerre de 

1914/1918 et aidée d’une de ses belles-filles (Anna). A noter que les 4 fils étaient à la guerre, un seul ne revint, Fritz, les 3 autres ayant été tués.

Et ce jour là  nous avons donc été accueillis par cette famille (la grand’mère était toujours là, Fritz, sa femme Anna et ses 3 enfants : Karl Wilhem, Brunehilde et Klaus) … et même si mon père avait annoncé son retour et sa visite il n’en menait pas large, ne sachant pas trop comment il allait être reçu une quinzaine d’années après. Eh bien la réception fut extrêmement chaleureuse. Il fut accueilli comme un membre de la famille Viehmann et une semaine plus tard lors des adieux, la séparation fut également très émouvante non sans se promettre de se revoir. Ils se sont revus, les allemands sont venus en France, en Lorraine à Stenay, mes parents y sont retournés encore 2 fois je crois, des correspondances traversaient les frontières et des échanges s’effectuèrent et je pus ainsi améliorer l’apprentissage de la langue en me rendant fréquemment en Allemagne lors des vacances scolaires. Je n’ai pas été le seul à bénéficier de ces échanges  quelques années plus tard une de mes filles, Sandrine, s’est rendue également dans cette famille où elle séjourna non plus chez les parents mais chez les enfants.

Dans cette jardinerie mon père n’était pas le seul à y travailler mais je suis incapable de dire combien de KG (Kriegsgefangener = prisonniers de guerre) y travaillaient. Par contre ce que je sais c’est que dans cette période de captivité il avait toute la confiance de la grand’mère Viehmann qui n’hésitait pas lors des bombardements à lui confier le cheval, le chariot et les objets précieux de la famille afin de les mettre à l’abri. En effet ils étaient souvent soumis aux bombardements car la maison était située à proximité d’une ligne de chemins de fer et non loin aussi d’une usine d’armement (tanks ou obus … ?).

De cette période je n’en sais guère plus … je sais qu’il chapardait beaucoup pour agrémenter leur nourriture et l’ordinaire. Je suis aussi persuadé  qu’ils faisaient les « yeux doux » aux « Gretchens » du quartier mais comme ma mère était présente le sujet a été éludé.

Ont-ils eu des idées d’évasion : je ne peux pas répondre à cette question, à noter toutefois que la frontière française était à environ 500 km et qu’ils ne parlaient pas l’allemand.

Par contre un événement semble-t-il à marqué mon père : ce sont les grandes inondations de Kassel suite aux bombardements réussis des américains sur un barrage situé non loin de Kassel

Après son retour en France, j’ai eu le plaisir de rencontrer un ancien du G.A.Z. (groupement artistique de Ziegenhain) : Emile Lepot il était originaire du nord de la France et il jouait de la contrebasse à cordes dans cet orchestre. Les retrouvailles furent là aussi très émouvantes car mon père faisait lui aussi partie de cet orchestre. D’ailleurs c’était lui qui assurait toutes les sonneries aux morts lors des sépultures et enterrements de ses camarades de Ziegenhain dans le cimetière du camp.

Je sais également qu’il entretenait des correspondances  avec Yves Brainville (le créateur du G.A.Z).  Vous trouverez ci-joint l’une de ces lettres. Dans les années 1960 Yves Brainville était un acteur et comédien très connu. Il a tourné dans de nombreux films, il interprétait souvent des rôles de méchants ou de policiers, mais on l’entendait également dans un feuilleton diffusé sur Radio Luxembourg que bien entendu on ne loupait sous aucun prétexte. Je ne pense pas qu’ils se soient revus après leur libération, par contre je sais qu’il a rencontré un jour Albert Baron qui était meneur de revues aux Folies Bergères et lui aussi ancien de Ziegenhain. Les retrouvailles se sont faites dans sa loge à l’entracte mais aussi après le spectacle au milieu des plumes et des girls assez dénudées. Je n’étais pas invité à cette soirée, c’était bien dommage, mais elle fut courte et bien arrosée.

Une autre correspondance était aussi assez régulière avec un ecclésiastique, un certain abbé Didier, professeur au grand séminaire de Châlons sur Marne. On m’a raconté que c’est lui qui apprenait l’allemand à ceux qui avaient des envies d’évasion et en particulier à un certain François Mitterrand qui tenta 2 ou 3 fois de s’évader avant de réussir.

Ci-joint également une réponse du Président Mitterrand suite à un courrier que mon père lui avait adressé.

Il retrouva aussi et bizarrement un autre ancien de Ziegenhain en venant prendre sa retraite aux Sables d’Olonne : Eugène Miolet, qui jouait comme lui à l’Harmonie municipale des Sables. Je pense qu’ils ont dû se remémorer de nombreux souvenirs de cette triste période.

Voilà quelques faits, histoires ou anecdotes dont je me souviens. C’est avec grand plaisir que j’ai réalisé ce récit que l’on m’avait demandé. Je suis persuadé que mes enfants, petits enfants pourront en prendre connaissance et ce qui leur permettra de mieux connaître leur grand-père ou arrière grand-père

                                                                    Fin décembre 2009  -  Alain Holdrinet

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Ancienne famille stenaisienne, la famille Holdrinet a résidé à Stenay de 1954 à 1975, Roger était chef de la lyre stenaisienne.

Leur fils Alain, raconte !

La famille Holdrinet a quitté Bréhéville pour Stenay en 1954 à la demande d'Adrien Méline (un ami de longue date) pour que mon père lui succède à la tête de la lyre stenaisienne.

- Roger Justin Holdrinet est natif  de Longuyon le 03/11/1911. Il travaille aux aciéries de Longwy (la Providence). ses parents (Augustin né en 1884 et Marguerite sont originaires de Brandeville et Dombras. son père travaille aux chemins de fer, en résidence à la gare de Longuyon ou il  est conducteur de locomotive sur la ligne de Charleville-Mohon. Pour Info, Augustin est décédé à Stenay le 05/07/1962

- Ma mère Suzanne Marie Holdrinet née Martin est native d'Iré-le-Sec le 19/05/1914, ses parents sont agriculteurs elle est  l'aînée de la fratrie (7 enfants). A Bréhéville elle tient le café bistrot du village avec le point poste et la distribution du courrier et une petite épicerie.

En  1954, nous habitons une petite maison route de Verdun un peu plus haut de la maison Patelli et du cimetière de Stenay.

Mon père travaille aux Ets Petit (tracteurs et machines agricoles) : comptabilité, représentation et vente des tracteurs

et en plus il est chef de la musique, la lyre stenaisienne.

Ma mère ne travaille pas, sauf, je me souviens qu'elle a rendu service à l'école Ste-Marie en devenant la cuisinière de l'établissement  pendant quelques semaines du temps de Sœur Hélène et ce, vers 1970 1972 ?

Ils déménagent vers 1964/1965 pour une plus grande maison dans la rue Basse des Remparts à Stenay -

où ils sont sur le perron - jusqu'à leur départ vers 1974/1975 pour rejoindre leur fils Alain aux Sables d'Olonne dans le quartier des Roses.

Parlons à présent du garnement devenu Sablais:

Alain quitte Stenay début janvier 1972 pour Les Sables d'Olonne, recruté par la ville qui lui propose un poste de professeur de musique dans son conservatoire ( il y restera 20 ans de 72 à 92) avec en plus  une chaise à l'harmonie municipale (trompettiste) et la responsabilité de la batterie fanfare  comme tambour major à  et encore en plus  un poste en Mairie des Sables (Etat Civil) puis  divers services où il terminera comme chef de service en 1972 pour se diriger vers des directions de maison de retraite l'une à La Bruffière (Vendée) ville du ministre Vincent Ansquer puis à Beaulieu sous la Roche (Vendée) avant de faire valoir ses droits à la retraite le 01/06/2006 et rejoindre à nouveau les rivages des Sables d'Olonne.

Mon père est décédé à la Roche-sur-Yon le 20/05/1987 suite à un accident de voiture et ma mère le 22/09/2001, ils étaient à ce moment là, Résidents dans la Maison de retraite de Beaulieu que je dirigeais.

Que dire de plus : à Stenay mes parents avaient beaucoup d'amis :M. et Mme Méline - M. et  Mme Pol et Andrée Vassart - M. et Mme Jean  Gerbeaux - Mme Blain rue de Verdun - M. et Mme Henri petit ... et peut d'autres ?

Sans oublier des musiciens de la Lyre : Braconnier, Nickelaus, René Christophe (un cousin lointain), Pol et Louise Grandjean les jardiniers.

Une photo du père et du fils (Roger et Alain)

Une photo d'Alain que je ne peux pas dater, mais peut-être 2017/2018.

Merci Alain, pour ce partage de souvenirs familiaux.

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